OE - Before everything - 13

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    La nuit s’annonçait fraîche mais les étoiles scintillaient avec ardeur sur l'immensité glacée du ciel. Se donnant en spectacle chaque soir pour qui voulait les voir, elles palpitaient en chœur, accompagnant la sérénade de la brillante Sélène soliste ! Dire qu'elles ne trouvaient aucune grâce aux yeux de celui qui avait déjà trop vécu...
    Il errait, sans but, depuis qu'il avait renoncé à jouer les pions pour le compte de l'Autre. Les desseins du Très Saint ne l'atteignaient en rien. Tout était vain. Si vain... À quoi bon être excellent au sein d'un éternel recommencement ? Ni reconnaissance, ni encouragements, rien. Pas même un compliment poli lorsqu'il sauvait la situation. Le Père restait silencieux. Alors, il avait claqué la porte et ne s'était pas retourné, sourd aux menaces. Une crise d'adolescence tardive en somme.
    Après s'être posé sur un toit afin de débuter sa méditation via l'embout d'une pipe en écume remplie d'un tabac que nul mortel ne goûta jamais, il tira une bouffée de fumée intensément chassée entre ses lèvres minces à peine entrouvertes. Il pouvait rester ainsi des heures, le regard perdu dans l'horizon d'un monde désespérément insipide. Où irait-il demain ? Cette question l'ennuyait déjà.

- Bonsoir.

    Un peu surpris, il tourna son visage délicat vers la silhouette rarissime d'une femme de type Chiropteris. Pas vieille, pas grande, et, surtout, peu étonnée de se retrouver en compagnie d'un Frère Évangélisateur.
    Il n'arborait pourtant pas non plus une stature commune avec sa paire d’ailes blanches d'impressionnante envergure et une chevelure effleurant ses chevilles. Certes, sa finesse ne laissait rien présager de sa force, mais enfin... il était armé ! Ce détail n'éveillait-il pas le semblant d'instinct de survie qui avait été théoriquement insufflé aux mortels ? De toute évidence, non.

- Bonsoir, répondit-il finalement comme si tout était normal : après tout, il n'avait plus à se soucier des règles.
- C'est une belle nuit...
- C'est une nuit.
- Que faites-vous ici ?
- Je fume en compagnie d'une inconnue sur un toit.
- Vous êtes de passage ?
- On peut dire ça...
- Et où allez-vous ?
- Nulle part.

    La chauve-souris s'assit à côté de lui, manifestement pas plus dérangée par la fumée que par son aspect. Allait-elle lui casser les pieds ? Il était venu se percher en hauteur pour être tranquille, pas pour distraire une vampire en mal de conversation.

- C'est vous qui avez chassé le démon qui saccageait le cimetière ? Impressionnant.

    Là, il faillit ravaler ses émanations et s'étouffer avec. Elle l'avait vu ? Lui qui était d'ordinaire si efficace et si discret ! En même temps, c'était une hybride nocturne, il ne fallait pas s'étonner d'en croiser au beau milieu des ténèbres.
    Ho, et puis il s'en fichait. Au moins, pour une fois, quelqu'un avait remarqué son travail...

- Merci.
- Merci à vous pour le petit coup de balai. L'un de mes locataires l'avait aperçu et a eu un mal fou à retrouver le sommeil...
- Des locataires ?
- Oui, ce manoir est en quelque sorte un refuge pour âmes perdues... Vous êtes le bienvenu si vous n'avez aucun endroit où aller.
- Je n'ai pas d'âme.
- Je pense que nous saurons faire une exception ! Parce que perdu, vous en avez tout l'air.